Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/152

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Où dans le ciel de l’Ouest la nuit plane et s’étend,
O Reine ! Dans tes yeux qu’emplit l’horreur suprême,
Le souvenir ailé monte confus et blême ;
Et ta vie éclatante et brève t’apparaît
Telle que se déroule en un tombeau secret,
Aux lueurs des flambeaux, le long des parois peintes,
L’Histoire aux jours obscurs des Royautés éteintes.

O temps ! Elle poursuit le songe nuageux
De son enfance heureuse et de ses premiers jeux,
Lorsque de sa beauté les colombes éprises
Vers la haute terrasse où l’enivraient les brises
Hâtaient déjà l’essor de leur vol amoureux.
Elle voit les enclos princiers, les bassins creux,
Et les verts perséas et la grotte irisée
Dont l’ombre studieuse abritait sa pensée,
Quand les grammairiens, penchés sur les rouleaux,
Des papyrus jaunis expliquaient les tableaux ;
Quand, sans trouble, elle-même aux multiples harangues
D’une savante voix répondait en dix langues.

Puis un jour, emplissant le palais de rumeurs,
Dans un triple cercueil les Prêtres embaumeurs
Ont porté Ptolémée au tombeau du Rivage
Et du cartouche peint marqué le sarcophage.
Elle règne ; elle est fille et des Rois et des Dieux.
Le double diadème à son front radieux
Symbolise le trône et l’Egypte éternelle.
Qu’importent le partage et l’ombre fraternelle,