Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/231

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Le Dragon triomphant qu’a rendu le trépas !
Le glaive l'a meurtri, mais le glaive n’a pas
Tranché l’orgueil du monde et la fleur de l’Empire.
Il ressuscite, il règne et commande ; il respire
Les parfums rajeunis des adorations.
Exultez, ô tribus ! montez, ô nations,
D’une voix unanime et d’un public hommage
Dans son temple rouvert adorer son image ! —

Que faisais-tu, Seigneur, puisque moi j’ai pu voir
Toute vivante chair, soumise à son pouvoir,
Embrasser à genoux les autels de la Bête ?
Que faisais-tu, Seigneur, tandis que la tempête
Couchait dans ton sillon, par le glaive et la faulx,
Tes Prophètes muets, frappés avec les faux ?
Tandis que, surgissant devant tes tabernacles,
Le Monstre séducteur dérobait tes miracles,
Et que loin des maisons, dans les déserts parqués,
Tes fils, jeunes ou vieux, et n’étant point marqués
Sur le front et la main du signe épouvantable,
Rampaient comme des chiens à l’entour de la table,
Affamés, inquiets, sans oser échanger
Contre un seul pain fangeux les fruits de leur verger,
Que faisais-tu, Seigneur ?

                                           Or, voici le mystère
Du nombre de la Bête et du noir caractère
Imprimé sur son front en signes odieux.
Intelligents, prêtez l’oreille, ouvrez les yeux !