Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/51

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Marche superbe et seul, humant de ses naseaux
Les parfums de la plaine et la fraîcheur des eaux.
Nul cavalier, n’étreint le flanc libre et sans taché
Du cheval au poil blanc où la lumière attache
De soyeuses lueurs et des reflets rosés,

Mais par derrière encor, sous les rideaux croisés,
Une litière basse approche et se balance
Aux bras de huit porteurs qu’accompagne en silence
L’élite des Parents et des Chefs. Est-ce un Roi,
Un Satrape mitre que suit un vague effroi,
Est-ce un Dieu qui s’avance, est-ce Alexandre même
Qui dérobe aux mortels dans une ombre suprême
L’héroïque splendeur de sa divinité ?
Bakkhos va-t-il surgir sous le voile écarté ?
Et la crainte déjà courbe les fronts barbares,
Et les trompes de bronze éveillent leurs fanfares,
Et le vaste fracas des boucliers heurtés,
Comme un orage au ciel, roule aux quatre cotés.

La litière immobile, étroite et toujours close,
Rayonnante au soleil, près du bûcher repose.
Et les rideaux fermés s’écartent, et voici
Qu’un vieillard apparaît, pâle, faible, transi.
Ptolémée est son guide et soutient par l’aisselle
L’ancêtre vénéré qui fléchit et chancelle
Et d’un pas indécis monte les noirs degrés
Du gigantesque amas d’arbres démesurés.