Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Tel le vent déchaîné des paroles fatales
Vers la terre indécise abaisse les fronts pâles.
L’effroi religieux plane. Du haut des fûts,
Les oiseaux envolés mêlent leurs cris confus
Aux houleuses rumeurs de la foule. Les glaives
Hors des fourreaux vibrants jettent des lueurs brèves
Un bruit vaste, pareil au choc lointain des flots,
Au tumulte guerrier unit de sourds sanglots ;
Et la mystérieuse horreur des noirs présages
Scelle la vérité sur la lèvre des Sages.

Ptolémée, appuyé sur le sceptre d’or pur,
Attend, regarde, écoute et soutient d’un bras sûr
Bérénice tremblante et sans force. Les larmes
Des yeux de Bérénice ont effacé les charmes ;
Et sa main, protégeant son front décoloré,
Semble chasser le trait d’un vengeur ignoré.
Elle pâlit, ô mort !... Mais une voix soudaine
L’éveille... Surgissant au centre de l’arène,
Konon d’un doigt certain montre le firmament.
Habile à distinguer la place et le moment
Des astres voyageurs dans l’infaillible nue,
Son œil au fond du ciel suit une aube inconnue.
Il s’écrie :

                    — O clartés ! ô rêve que mes yeux
Salueront les premiers à l’horizon des cieux !
Adelphes adorés ! de nouvelles étoiles
Des favorables nuits ont enrichi les voiles.