Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/164

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Mes Pères, écoutez ! Peuples, Grands de la terre,
S’il est vrai qu’attentifs à la voix solitaire,
C’est Dieu qui vous guida vers le témoin des jours,
Écoutez ! toute vie est un vaisseau qui sombre ;
Les choses d’ici-bas sont le reflet d’une ombre ;
Les siècles épuisés tariront dans leur cours.

Sur Babylone en feu la foudre s’amoncelle ;
Désertez les cités ! Quand la maison chancelle,
L’homme sans un regret quitte les murs croulants.
Convives du festin servi pour mille années,
Comptez les mets flétris sur les tables fanées ;
Les temps ont dévoré la moitié des mille ans.

Laissez sans les couper sécher les moissons mûres ;
Dans les forums étroits laissez les pourritures
Sous le ciel empesté s’entasser par monceaux
Et les cadavres nus au centre de la ville !
Fuyez ! La chair de l’homme est pâture assez vile
Pour que l’aigle affamé l’abandonne aux pourceaux.

Au désert les vieillards, les mâles et les femmes,
Cloaques d’amertume et de désirs infâmes,
L’adultère et l’époux et celui qui rêva
Même une fois, la nuit, d’une vierge ignorée,
Et le fornicateur dont la lèvre altérée
Aux égouts de l’amour terrestre s’abreuva !