Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/178

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Qui creuse ma poitrine et consume mes reins,
Laisse mes yeux fermés à la Beauté sereine.
Générateur velu qu’un rut barbare entraîne,
Je féconde au hasard et j’étreins sans choisir
Puisque l’amour pour moi n’est que l’âpre désir.

La Terre m’a charmé ; je la prends pour amante.
Elle s’offre, conçoit, bouillonne, éclot, fermente,
Attache à son épaule un manteau de gazons,
Étale sur ses flancs l’or bruyant des moissons,
Rafraîchit ses bras nus aux brouillards des cascades
Et, partageant ses fleurs aux Nymphes Oréades,
De la vallée au faîte égrène ses parfums.

La Mer m’a plu. Je l’aime et plonge en ses embruns.
Mon baiser formidable ébranle ses cavernes ;
Une blême clarté pâlit les ombres ternes
Où les monstres marins roulent leurs vastes nœuds ;
Thétis rugit d’amour dans son lit sablonneux
Et tord éperdument ses cheveux d’algues vertes,
De palais irisés peuple ses eaux désertes,
Réfléchit tout le ciel dans son miroir changeant
Et, toujours vierge et belle en son péplos d’argent,
D’un soupir amoureux gonfle le sein des vagues.

J’ai vu le firmament bleuir les ondes vagues.
Il est immense, il est silencieux encor ;
Il est à moi. La vie y porte mon essor ;
Me voici. Tout est sombre, ô Dieux ! Vous êtes mornes,