Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/192

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Est-ce un autel ? Hélas ! un tertre bas à peine,
Caché par les roseaux courbés au vent du soir.
C’est ton dernier refuge où, près de la fontaine,
Ta dernière prêtresse aime encore à s’asseoir.

Elle y revient songer aux époques fécondes
Où, reflétant l’azur, limpide et sans limons,
Le torrent adoré de tes célestes ondes
S’épanchait librement de la hauteur des monts.

Et tu transparaissais dans la mouvante écume
Comme la lune blanche en un ciel nuageux,
Légère, éblouissante et semant dans la brume
Les diamants épars sur tes deux seins neigeux.

Et c’est toi qui fuyais et qui versais ton urne
Dans mille ruisseaux bleus, fils des lacs assoupis,
Et qui venais suspendre, invisible et nocturne,
Des perles de rosée aux pointes des épis.

L’homme d’un cœur pieux honorait le mystère
De tes larmes d’azur filtrant du sol sacré
Et puisait chaque jour dans ton cours salutaire
La virile vigueur d’un corps régénéré.

Maintenant l’ombre triste éteint tes clartés fraîches
Et le culte est fini des sources et des flots
Que Mithra matinal criblait de roses flèches.
Les eaux ne baisent plus le bord des bassins clos.