Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/198

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L’homme baissa la tête et se tut. Et voilà
Que le fouet du bourreau dans l’air pesant siffla
Et lacéra les chairs et dénuda les côtes
Pendant que, se dressant parmi les plaintes hautes
Du patient, lié tout sanglant contre un pieu,
Évagrius criait : — Tu crois en un seul Dieu,
Le Père, omnipotent et créateur des choses ? —

Mais l’homme obstinément serrant ses lèvres closes,
Il dit encore : — En un seul Seigneur Jésus-Christ,
Fils unique du Père et, comme il est écrit,
Verbe de Dieu, vrai Dieu, lumière de lumière ? —

Et comme, cuirassé de sa force première,
L’homme, toujours muet, rêvait : — Tu céderas,
Mulet rétif ! Bourreau, fais ton œuvre ! —

                                                                        Les bras
Entravés et les pieds pressés entre des planches,
Une chaîne de fer rougi mordant ses hanches
Et les membres tirés aux trous du chevalet,
L’hérétique endurci se tordait et hurlait ;
Et les muscles saillaient sous la peau qui se marbre
Comme des nœuds épais sous une écorce d’arbre.
Évagrius reprit : — Engendré, non formé
Et consubstantiel. Le crois-tu, cœur fermé,
Que, descendu des cieux pour le salut du monde,
Il s’incarna, mourut sur une croix immonde