Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/217

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ravi ;
Et je t’enfermerai pâle, heureux, assouvi,
Dans la blanche prison de mes bras. Et quand l’ombre
Des tentes, par delà la Thrace triste et sombre,
Couvrira ton sommeil, lourd de bière ou de vin,
Rapide amant d’Hella, qu’un souvenir divin
De volupté, d’orgueil et de joie insensée,
D’un immortel printemps parfume ta pensée !


EUTHARIK.

Non, non ! L’épieu solide, au flanc de l’ours fiché,
Par la main du chasseur n’en est point arraché ;
Le loup, quand dans la plaine il a saisi sa proie,
Dans le hallier lointain la déchire et la broie.
Tu me suivras ! Errer encor, jaloux et seul !
Sentir l’ombre du soir peser comme un linceul
Sur mon âme ! Sois douce, Hella ! Pitié ! J’élève
Mes mains ! Mon cœur serait comme un tronçon de glaive
Que la rouille incrustée a terni pour jamais.
Ne crains rien ! Fuis la ville infâme ; les sommets
T’apparaîtront si beaux dans l’azur et la neige
Lorsque resplendira le Bloc gravé, le Siège
Royal, la roche sainte où la mousse aura bu
Le sang jadis offert aux Dieux de ma tribu !
Et les chanteurs sacrés rediront nos légendes
Antiques, aux festins journaliers où les viandes
Rouges, sur les grands plats portés par deux captifs.
Chargeront de leur poids les escabeaux massifs,
Tandis que surgira sur d’amples