Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/230

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Byzance ! où sont les toits d’argent que l’aube dore.
La mosaïque ardente aux murs de tes palais
Et les blanches villas dont les mouvants reflets
S’irisaient sous la lune, aux flots bleus du Bosphore ?

Toi qui, parmi les fleurs dormant ton clair sommeil,
Au poids de tes trésors payais ta quiétude
Et sans peur, dédaignant le fer du glaive rude,
Mirais la beauté grecque en ton golfe vermeil ;

Byzance ! ils sont venus les jours expiatoires
Que le ciel outragé mesure à ton destin ;
Et voici qu’à plein vol, à l’horizon lointain,
L’Ange apocalyptique ouvre ses ailes noires.

La nuit. Fourmillement d’ombres au pied des murs,
Rumeurs, tumulte, assauts. L’épouvantable horde
Bondit en rugissant, tourbillonne et déborde
Son camp, cerné de chars tendus de cuirs impurs.

Fuites vaines que barre un cercle d’incendies ;
Femmes aux bras des Huns tordant leurs corps sanglants ;
Cadavres pollués de vierges aux seins blancs,
Dans l’horreur et la mort atrocement roidies ;

La louche trahison glissant sur les remparts ;
Les Patrices vendus et les soldats rebelles ;
Pillage, sacrilège ; au désert des chapelles
Les grands ciboires d’or dans la poussière épars.