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MADAME GUYON.

passa les plus affreux moments d’une vie qui n’avait été qu’un tissu de persécutions et de douleurs. Elle manquait de tout ; elle était malade, sans personne pour la secourir ou la consoler ; au contraire, elle ne voyait autour d’elle que des hommes adroits, artificieux, qui l’obsédaient et mettaient tout en œuvre pour la surprendre et la faire souffrir[1]. Elle n’en dit pas davantage, elle qui élève si haut la voix, toutes les fois qu’il s’agit de sa foi ou de sa vertu. « J’ai cru le devoir, dit-elle, a la religion, à la piété, a mes amis, a ma famille et a moi-même. Mais pour les mauvais traitements personnels, j’ai cru les devoir sacrifier et sanctifier par un profond silence. »

Pourtant, il est juste de dire que l’on eut quelques égards pour elle. « Il faut mettre Mme Guyon dans une bonne chambre, écrivait Pontchartrain à M. du Junca, et la bien traiter[2]. » Du Junca nous apprend que Mme Guyon fut mise dans la seconde chambre de la tour du Trésor, que Desgrez lui fit porter deux charretées de meubles, qu’on lui donna, avec l’approbation de l’archevêque, une femme de chambre pour la servir. Dans une lettre du 5 mai 1699, Ponchartrain recommande a Saint-Mars, gouverneur de la Bastille, de ne donner à ses prisonniers d’autre confesseur que l’aumônier, « de la fidélité duquel vous êtes sûr. » Mme Guyon en avait demandé un autre ; on se rendit, jusqu’à un certain point, à son désir. « Quant à Mme Guyon, ajoute le ministre, ne luy donnez pour confesseur que celuy

  1. Vie de Mme Guyon, 3e part., chap. XX.
  2. 31 mai 1698.