Page:Guesde - La Commune de 1871.djvu/22

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gouvernementalement et préventivement, que les prisons furent vidées au profit de la fosse commune, En 1871, au contraire, lors de l’agonie de la révolution prolétarienne, il y avait des semaines que les fédérés étaient massacrés au jugé et en masse, lorsque l’exaspération transforma quelques-uns d’entre eux en massacreurs.

Et pourtant les journées de septembre n’ont pas été longues à sortir de la région des « crimes » pour entrer dans celle des faits historiques, puisque, déjà sous les Bourbons restaurés, M. Thiers pouvait les rattacher à la victoire de Valmy, les mettre en première ligne des mesures libératrices du sol national, sans qu’il soit venu à personne l’idée d’y voir l’apologie d’un fait qualifié crime ou délit.

Alors qu’aujourd’hui, trois ans après la disparition de l’Assemblée élue « dans un jour de malheur », c’est à peine s’il est permis d’évoquer, de ressusciter les horreurs de Paris, pris d’assaut par une armée française, pour expliquer comme quoi les Parisiens qui, couverts du sang des leurs, se portèrent aux extrémités que nous sommes les premiers à déplorer, n’étaient peut-être pas de vulgaires assassins, ce que M. Le Royer appelle des « criminels de droit commun ».

Il n’en sera sans doute pas toujours ainsi ; un jour viendra — et plus prochainement que ne le voudraient bien des gens — où, pour les actes révolutionnaires de 1871, l’histoire cessera d’être justiciable de la police correctionnelle, et où il sera possible de tout dire. Mais, pour l’instant, il faut nous borner à constater trois choses :

La première, c’est que si la justice populaire de la révolution se solde par soixante-huit cadavres, c’est par vingt-cinq ou trente mille que se chiffre la justice militaire de l’Ordre. « Les rues de Paris sont jonchées de leurs cadavres », écrivait le généralissime Thiers, qui n’avait soufflé mot — et pour cause — des cadavres qui jonchaient depuis longtemps la route de Versailles.