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de toute l’Église. Mon honneur, c’est la fermeté inébranlable de mes frères. Je me regarde comme véritablement honoré lorsqu’on ne refuse à qui que ce soit l’honneur qui lui est dû. Si Votre Sainteté me dit pape universel, elle nie qu’elle soit ce que je serais tout entier. À Dieu ne plaise qu’il en soit ainsi ! loin de nous des mots qui enflent la vanité et qui blessent la charité ! Il est vrai que, dans le saint concile de Chalcédoine, et depuis par les Pères qui sont venus ensuite, ce titre a été offert à mes prédécesseurs, comme Votre Sainteté le sait ; mais aucun d’eux n’a voulu le prendre, afin qu’en aimant en ce monde la dignité de tous les prêtres, ils conservassent la leur aux yeux du Tout-Puissant. »

Le pape saint Grégoire condamnait donc, même dans la personne des évêques de Rome, le titre de pape universel ; il reconnaît que le patriarche d’Alexandrie est son égal, qu’il n’a pas d’ordre à lui donner, qu’il n’a pas par conséquent d’autorité sur lui.

Comment concilier cette doctrine orthodoxe du pape saint Grégoire le Grand avec cette doctrine moderne qui attribue au pape une autorité universelle de Droit Divin ? C’est aux ultramontains à répondre à cette question.

Dans la discussion touchant le titre d’universel, saint Grégoire s’exprimait ainsi dans une lettre adressée aux patriarches d’Alexandrie et d’Antioche : « J’ai admis à la communication de la messe des envoyés de Cyriaque, parce qu’ils m’en prièrent humblement, et parce que aussi, comme je l’ai écrit au sérénissime empereur, les envoyés de notre frère et coévêque Cyriaque ont dû communiquer avec moi, par la raison que je ne suis point, grâce à Dieu, tombé dans l’erreur de l’orgueil. Mais mon diacre n’a pu communiquer à la messe avec notre frère Cyriaque, par la raison qu’il est tombé et qu’il persiste dans la faute de l’orgueil en prenant un titre profane[1]. »

Ainsi, d’après saint Grégoire, les envoyés du patriarche

  1. Lettres de saint Grégoire, liv. VII ; lettre 34e, édit. bénéd.