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Page:Guillaume d’Orange, le marquis au court nez (trad. Jonckbloet).djvu/104

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— Par Saint-Denis ! dit-il à voix basse à son compagnon, ce Turc est enragé. Je m’étonne que la terre ne s’ouvre pas sous ses pieds et que l’enfer ne l’engloutisse. Ah ! Guillaume, noble marquis, que le souverain maître du monde te protége ! Contre la force de ce géant, la tienne n’est rien.

Cela dit, le Pape prit congé de Galaffre, qui le fit reconduire à Rome par ses deux fils.

Le comte Guillaume, voyant revenir le pontife, mit la main sur son étrier, et lui demanda s’il avait vu le mécréant qui voulait disputer Rome à Dieu ?

— Oui, beau sire, et je ne veux pas vous cacher que ce n’est pas un homme, mais un diable de l’enfer. Si les douze pairs étaient vivants, et que votre père, le brave Aymeric, et tous vos frères si renommés fussent ici, ils n’oseraient approcher de lui pour le combattre.

— Mon Dieu ! fit Guillaume, je vois bien que le clergé est corrompu. Dites plutôt que Dieu est si puissant que nul n’a le pouvoir de faire du mal à l’homme qu’il veut soutenir. Par l’apôtre qu’on vient visiter à Rome ! fût-il haut de dix toises, je me battrai avec lui. Si Dieu veut humilier ses serviteurs, je puis y perdre la vie ; mais s’il veut nous maintenir, il n’y a homme sous le ciel qui puisse me faire du mal.

Quand le Pape entendit ces paroles, il répondit :

— Ah ! noble guerrier, que celui qui fut mis en croix te protège ! Jamais chevalier ne tint un langage aussi hardi. Dans quelque endroit que tu portes tes pas, Dieu, en qui tu as confiance, t’aidera.