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dises comme nous n’en avons jamais vues ; mais elles sont cachées dans des tonneaux.”

Le roi Otrant entendit la nouvelle ; il descendit les degrés de son palais avec son frère Harpin — ensemble ils gouvernaient la bonne cité — et ils se rendirent au marché, accompagnés de trois cents de leurs hommes.

Cependant Guillaume s’est avancé jusqu’à la place ; il y trouve un bloc de marbre vert qui lui sert à descendre de cheval. Il prend sa bourse, l’ouvre, y plonge la main et en retire une grande poignée de bons deniers. Il demande le receveur du droit de sauf-conduit ; parce que, dit-il, il ne voudrait pour rien au monde qu’on lui fit du mal.

— N’ayez pas peur, lui dirent ceux qui l’entouraient ; quiconque vous outragerait, fût-il de la plus haute noblesse, nous le pendrions au premier arbre venu.

Pendant qu’ils causaient ainsi, voilà qu’arrivent les rois Harpin et Otrant, demandant à voir le marchand, dont toute la ville parle déjà.

— Le voici, dirent plusieurs voix, c’est ce cavalier à la haute stature, au grand bonnet et à la longue barbe, celui qui commande aux autres.

Otrant l’appela et lui dit :

— D’où êtes-vous, beau marchand ?

— Sire, nous sommes d’Angleterre, de la noble cité de Cantorbéry.

Êtes-vous marié, mon ami ?

— Oui, et j’ai dix-huit enfants ; la plupart sont en bas âge, deux seulement sont hommes ; l’un s’appelle Bègue et l’autre Sorant ; et la preuve, c’est que les voilà.

Et il leur désigna du doigt Guibelin et Bertrand, ses neveux, les fils de Bernard de Brebant.

— Vos fils seraient de bien beaux hommes, répondirent-ils, s’ils savaient seulement s’habiller convenablement.

Le roi Otrant lui demanda son nom à lui.

— Tiacre, répondit-il.