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liers succomberaient avant d’y entrer. Ainsi, renoncez à cette folle pensée.

— Bon, dit Guillaume, tu veux me faire peur. Tu commences par me dire qu’aucun comte ni roi ne possède une pareille cité et ensuite tu me blâmes parce que je veux aller la voir ! Par saint Maurice d’Amiens ! tu y viendras avec moi. Mais nous n’aurons ni cheval, ni blanc haubert, ni heaume d’Amiens, ni écu, ni lance du Poitou ; nous porterons la robe du pélerin. Tu es resté assez longtemps dans leur pays pour parler le Turc et le Basque, voilà pourquoi je t’emmène.

On ne s’étonnera pas si le malheureux ne goûta pas cet ordre ; il aurait bien voulu être à Chartres ou à Blois, ou même à Paris, dans les terres du roi, pour se mettre à l’abri.

Lorsque Bertrand vit l’emportement de son oncle, il lui dit :

— Bel oncle, laissez cette folie. Si vous réussissez à pénétrer dans le château, aussitôt que les Sarrasins vous verront, ils vous reconnaîtront à la bosse que vous avez sur le nez et à votre rire. Alors ils vous saisiront et vous mèneront probablement en Perse. Ils vous mangeront sans pain et sans farine ; ils ne tarderont pas de vous tuer, ou ils vous jetteront dans leurs caveaux, d’où vous ne sortirez pas jusqu’à l’arrivée du roi Thibaut d’Afrique, de Desramé et de Goliat de Bile, qui vous condamneront à tel supplice qui leur plaira. Si l’amour vous fait trouver la mort, ceux qui vous ont suivi ici, pourront bien dire que c’est pour leur malheur que vous avez vu la reine Orable.

— Bon ! dit Guillaume, je ne crains pas cela. Mais par l’apôtre saint Jacques ! j’aimerais mieux mourir, faute de manger du pain de farine et de la viande salée, et de boire du vin vieux, que de ne voir de mes yeux comment Orange est bâti et comment est Gloriette, la tour de marbre, et