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— Par l’apôtre que les pèlerins vont implorer ! dût-il m’en coûter la vie, j’irai à Orange pour venger les souffrances que les Sarrasins ont fait endurer à nos parents. Hélas ! misérable, pourquoi attendre plus longtemps pour aller à leur rencontre ?

Pendant que le comte Bertrand se laisse aller à ces plaintes en soupirant et en pleurant, voici Gilbert qui entre dans la ville. Il monte les degrés de la salle de pierre ; bientôt Bertrand l’aperçoit, un sourire effleure ses lèvres et il lui crie de loin :

— Soyez le bienvenu, noble chevalier ! Où est mon oncle à la face hardie ? Et Guibelin ? Ne me cachez rien.

— Ils sont à Orange, répondit-il, dans la tour de marbre du château de Gloriette, où les païens félons les tiennent prisonniers ; je vois venir l’heure où ils les tueront tous deux. Aussi Guillaume te mande-t-il de le secourir le plus tôt possible avec tes chevaliers, et cela sans tarder.

Bertrand sourit et appela aux armes tout son monde. Ils se hâtent d’obéir ; ils montent sur leurs chevaux d’Espagne et de Syrie, et bientôt Bertrand sort des portes de Nîmes, à la tête d’une armée dont l’avant-garde seule comptait plus de quinze mille hommes.

Ils vont droit au Rhône, qu’on traverse dans des bâteaux ; et les voilà bientôt dans la grande prairie sous les murs d’Orange, où ils dressent leurs tentes. À peine arrivé, Bertrand s’adresse au messager de son oncle :

— Sire Gilbert, dites-moi votre opinion ; monterons-nous à l’assaut et démolirons-nous ces murs et ces palais de pierre ?

— C’est folie de parler ainsi, répondit Gilbert. Orange résisterait aux forces réunies de la France entière ; vous ne la prendrez pas de toute votre vie.

Bertrand fut mal à son aise à cette réponse. Mais Gilbert le rassura :

— Monseigneur, dit-il, entendez ce que je vais vous