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Page:Guillaume d’Orange, le marquis au court nez (trad. Jonckbloet).djvu/216

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— Tu en as assez, misérable, dit Jehan. Notre malheur eût été trop grand, si tu nous avais tué ce chevalier !

Puis se tournant du côté de Vivian, qui avait perdu connaissance, il le releva ; et lorsqu’il lui vit reprendre ses sens, il lui demanda doucement, les larmes aux yeux :

— Vivian, sire, comment vous trouvez-vous ?

— Je ne suis blessé que légèrement ; je me vengerai, car j’en ai grande envie, et je me sens plus d’ardeur que jamais.

Sur ce, voici Girard, Guibert de Terragone et Gautier de Blaives, qui l’épée à la main s’ouvrent un chemin jusqu’à Vivian. Ils se pressent autour de lui, la rage dans le cœur, et lui retirent doucement le fer de la plaie. Ils sont rejoints par Étienne de Valpré, chevalier plein de savoir, qui avait été longtemps à Salerne. Ayant examiné attentivement la blessure, il tira son épée et en coupa un pan de son bliaut, dont il étancha la plaie qu’il banda fortement. Puis il rassura Vivian sur les suites du coup.

— Dieu soit loué ! répondit-il. Et s’adressant aussitôt aux autres, il leur dit :

— Nous nous sommes arrêtés trop longtemps ; frappez, chevaliers, et pensez à défendre votre vie.

Girard lui dit :

— Vous avez eu tort de ne pas suivre mon conseil. Si ce matin, au point du jour, quand ces païens arrivèrent, vous aviez envoyé un messager sûr à Guillaume au court nez, je suis persuadé qu’il aurait pu nous sauver.

— Ce qui est fait est fait, lui répondit Vivian. Si j’avais suivi ton conseil, on nous l’aurait reproché, à nous et nos parents, comme une lâcheté. Il vaut mieux nous perdre ainsi que d’en réchapper avec honte. Si nous mourons ici, nous aurons mérité la clémence de Dieu. D’ailleurs quand un homme meurt en sa jeunesse, plein de force et d’avenir, on le plaint et on le regrette ; mais quand il meurt de vieillesse il n’est regretté par personne.