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— Belle sœur, je me repens de vous avoir maltraitée. Voilà, ce que c’est de se laisser emporter par ses passions ; on a bientôt fait une vilaine chose. À la face de toute la cour je t’en demanderai pardon.

— Monseigneur, répondit-elle, j’ai tout oublié et il ne m’en restera aucune honte. Mais de mon côté je me repens si j’ai dit quelque chose dont vous, mon frère, puissiez être courroucé contre moi. J’aimerais mieux quitter la France que de vous être désagréable. Si vous le désirez, je ferai pénitence pour ce qui est arrivé, et j’irai en chemise du palais jusqu’à l’église de saint Vincent.

En disant cela, elle s’agenouilla devant lui et lui baisa le pied. Mais le comte la releva et la baisa quatre fois en la face, à la grande joie de la belle Aalis.

La cour fêta cette réconciliation avec de grandes démonstrations de joie. Le roi ordonna qu’on dressât la table — celle qui est incrustée d’or — et l’on corna l’eau. Quand les barons se furent lavés, ils prirent place autour de la table au bas bout de la salle. Dans la partie élevée Aymeric se plaça à côté de sa femme, et de l’autre côté le roi et la reine ; puis le marquis Guillaume et ses frères bien-aimés. Près de lui s’assit sa nièce, la noble Aalis, la plus belle fille de Paris à Montpellier. Le comte Guillaume avait aussi fait chercher son hôte Guimar avec sa femme, et les avait fait placer tout près de lui ; car il tenait à leur faire honneur. Cent écuyers leur servirent tant de plats que je ne puis les nommer ; cent autres servirent comme échansons. Les jongleurs jouèrent leurs airs les plus brillants, et l’on peut bien dire qu’il y eut grande fête.