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— Damoisel, lui dit-il, cela ne va pas bien. Les Sarrasins emmènent ton frère, le jeune Guillaume, qui est déjà si vaillant. Secourrons-le au nom de Dieu !

— Par mon chef ! dit Bernard, j’y cours. Quiconque refuse de me suivre, n’aura jamais terre ni fief.

Heureusement le comte Aymeric n’était pas encore bien loin avec les écuyers. Bernard leur fait donner des armes et des chevaux. Aymeric saisit l’étendard brodé d’or et enrichi de pierres précieuses et se met à leur tête. Par dessous sa ventaille sa barbe blanche lui descend sur la poitrine : quelques mêches en tombent jusque sur l’arçon de sa selle.

Ils se ruent sur les païens et bientôt mille Sarrasins sont par terre.

En jetant les yeux autour de lui, Aymeric aperçut Baucent, sans cavalier, les rênes traînant à terre entre ses pieds. Le désespoir s’empara du comte, car il crut son fils mort. Il saisit le cheval par le frein et celui-ci ne tâcha pas de fuir : il regrettait son maitre comme s’il eût été un homme.

— Ah ! bon cheval, dit le comte, quel malheur d’avoir perdu ton maître ! S’il eût vécu, jamais on n’aurait vu tel chevalier.

En disant ces mots, il baisa le sang dont la selle était couverte, et tomba sans connaissance. Ses gens le relevèrent, et quand il fut revenu à lui, ils dirent :

— Seigneur comte, pourquoi ce désespoir ? Guillaume n’est pas mort, mais les païens le tiennent prisonnier. Hâtez-vous de chevaucher, si nous pouvons les rejoindre, nous vous rendrons votre fils bien-aimé.

— Je ne demande pas mieux, répondit le comte.

On resangle les chevaux et l’on se remet au galop. Au détour d’un bois ils tombent sur l’ennemi. Le jeune Guillaume marchait en tête de la troupe sur une mule, entouré des quatre rois musulmans. Il ne tenait nul compte de leur bavardage ; son plus grand désir était d’arriver à