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Là-dessus ils s’embrassèrent à plusieurs reprises, et l’empereur s’en retourna à Paris.

Guillaume et son père marchèrent si longtemps à la tête des dix mille Français bien armés qu’enfin ils arrivèrent dans les environs de Narbonne. Ils trouvèrent le pays dévasté, les églises brûlées et violées, les châteaux renversés.

— Seigneurs, dit Guillaume, on voit bien que les diables ont passé par ici. Descendons de cheval dans cette prairie pour prendre nos armes, ensuite nous tomberons sur les mécréants. Il faut envoyer vingt chevaliers en avant pour les reconnaître : Bernard, mon frère aîné, les conduira. Mais par l’apôtre qu’on invoque dans le pré de Néron ! s’il ne rapporte pas, ensanglanté du sang des Turcs, le gonfanon que je lui fis donner devant le maître autel à Saint-Denis, lorsque le roi Charles l’arma chevalier, il sera revenu à nous pour son malheur.

Les Français descendirent de cheval pour revêtir leurs hauberts et lacer leurs heaumes luisants : ils ceignirent leurs épées au flanc gauche et attendirent, tenant leurs destriers par la bride.

Ils envoyèrent vingt chevaliers en avant pour reconnaître les Sarrasins ; le noble et gentil Bernard, fils aîné du preux comte Aymeric, était à leur tête.

Ils montèrent au sommet d’une colline, d’où ils aperçurent la cité de Narbonne et l’armée des assiégeants, les pavillons dorés, les tentes, les cuisines et les feux allumés, le tout occupant un terrain de deux lieues de large. Quand les Français virent cela, ils eurent peur, et se dirent entr’eux :

— Pour Dieu ! regardez. Comment a-t-on pu rassembler de telles forces !

— Seigneurs, leur dit Bernard, je vais aller parler aux Sarrasins ; ils feront connaissance avec ma lance, car si elle n’est bien teinte de leur sang, je n’oserai jamais retourner vers Guillaume.