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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/10

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de choses et il les raconte de façon pittoresque, en émettant sur chacune des opinions personnelles, parfois fort justes, et souvent peu banales. Sans s’en apercevoir, il m’a conté toute sa vie par tranches ; elle n’offre rien de bien saillant : c’est une pauvre vie monotone de paysan, semblable à beaucoup d’autres. Le père Tiennon a eu ses heures de joie ; il a eu ses jours de peine ; il a travaillé beaucoup ; il a souffert des éléments et des hommes, et aussi de l’intraitable fatalité ; il a été parfois canaille et parfois bon, — comme vous, lecteurs, et comme moi-même…

Je me suis dit : « On connaît si peu les paysans ; si je réunissais pour en faire un livre les récits du père Tiennon… » Et, un beau jour, je lui ai fait part de mon idée. Il m’a regardé avec étonnement.

— À quoi ça t’avancera-t-il, mon pauvre garçon ?

— À pas grand’chose, père Tiennon, à montrer aux messieurs de Moulins, de Paris et d’ailleurs ce qu’est au juste une vie de métayer, — ils ne le savent pas, allez, — et puis à leur prouver que tous les paysans ne sont pas aussi bêtes qu’ils le croient : car il y a dans votre façon de raconter une dose de ce qu’ils appellent « philosophie » et dont ils font grand cas.

— Si ça t’amuse, fais-le… Mais tu ne vas pas rapporter les choses comme je les dis : je parle trop mal ; les messieurs de Paris ne comprendraient pas…

— C’est juste ; je vais écrire en français pour