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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/109

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présence de gens qui ne sont pas de leur milieu.

On peut croire qu’après cela j’eus de tristes jours à passer chez nous. Ce furent des reproches à n’en plus finir sur les ennuis, les frais, le déshonneur que j’allais causer.

— Ce n’est pas une petite affaire, Seigneur de Dieu, disait ma mère, tu vas peut-être faire de la prison ! Tu seras marqué sur le papier rouge ! Qu’on est donc malheureux d’avoir des enfants qui vous fassent faire tant de bile.

Mon père se lamentait presque autant ; les autres montraient aussi de l’inquiétude ; et, certes, je n’étais guère tranquille moi-même.

Quand M. Boutry eut connaissance de l’affaire, il vint chaque jour me faire la morale, disant que c’était indigne d’un siècle de civilisation de voir se battre ainsi, sans motif, des jeunes gens d’une même commune.

— Vous avez agi en sauvages, en barbares ! concluait-il.

Il intervint néanmoins auprès du maréchal des logis et auprès du maire ; puis, voyant qu’il était impossible de nous éviter le tribunal, il s’occupa de nous chercher un avocat, le même pour tous les belligérants.

— Ce procès, me dit-il un jour, doit non seulement vous servir de leçon, mais il doit encore être le prétexte d’une réconciliation générale et durable.

Il n’était guère prophète, ce bon M. Boutry : soixante années ont passé depuis, et l’antagonisme dure encore, à Saint-Menoux et ailleurs, entre les garçons du village et ceux des fermes.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le jour du jugement, nous nous rendîmes à Moulins à pied, en deux groupes, à une demi-heure d’intervalle : ceux du bourg les premiers, nous ensuite. Il