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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/153

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Ça tient tout simplement à ce que votre vache a du lait de mauvaise qualité, conclut-il, et à ce qu’elle est dans un état de gestation avancée ; améliorez sa nourriture, donnez-lui chaque jour un peu de sel dans une ration de farineux et vous vous en trouverez bien.

Nous suivîmes les avis du curé et il nous fut possible de faire du mauvais beurre qui s’améliora tout naturellement quand, à la belle saison, nos vaches allèrent pâturer sur les Craux et lorsqu’elles furent au lait nouveau. Si l’on se rendait bien compte de tout on n’aurait pas souvent, je pense, l’occasion de croire aux sorts.

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Vers la fin de l’hiver, pour clôturer cette série de malheurs, nous eûmes une alerte plus grave encore ; et cette fois-ci, il fallut bien, en désespoir de cause, aller trouver un rebouteux.

Notre petit Charles fut pris soudain d’un grand mal de gorge ; il refusait de prendre le sein ; sa respiration devint rauque, puis râlante. Victoire le porta d’abord à la sage-femme, puis au médecin, et ça n’avait pas l’air d’aller mieux, bien au contraire. Or, il y avait sur le chemin d’Agonges un homme qui barrait les maux de gorge d’enfants ; on venait le trouver de toutes les communes du canton et même d’ailleurs : il sauvait les bébés désespérés par les docteurs. Au cours d’une veillée, l’état du petit parut tellement s’aggraver que nous décidâmes de le lui porter séance tenante.

Ce fut un bien triste voyage. Je portais dans mes bras le petit malade, sur un oreiller recouvert d’un vieux châle ; Victoire suivait en pleurant ; nos pas résonnaient lugubres dans le silence nocturne, sur le sol des rues que séchait le grand gel. Sur les dix heures, nous eûmes la satisfaction de frapper à la porte du