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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/156

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Le régisseur s’appelait M. Parent. C’était un homme de taille moyenne, avec une très grosse tête, qu’encadrait un collier de barbe grisonnante ; ses yeux saillaient hors de l’orbite, ce qui lui donnait constamment l’air étonné ; sa lèvre inférieure, grosse et lippue, tombait, découvrant ses dents avariées et laissant passer un continuel jet de salive. Tout de suite il me dit qu’en considération de mon beau-père il m’agréerait comme métayer, bien que je sois seul pour travailler, ce qui n’était guère avantageux. Il nous fit visiter les bâtiments du domaine qui étaient anciens et peu confortables ; il nous conduisit dans toutes les pièces de terre et dans tous les prés, et, quand nous fûmes rentrés chez lui, il dicta les conditions.

« Il fallait deux mille francs de remboursement sur le cheptel, mais on se contenterait de la moitié : on ajouterait aux quatre cents francs de l’impôt colonique annuel les intérêts à cinq pour cent du reste ; et, pour l’amortissement, on ferait une retenue sur les bénéfices. J’aurais à faire tous les charrois qui me seraient commandés pour le château ou la propriété ; et ma femme serait tenue de donner, comme redevances, six poulets, six chapons, vingt livres de beurre ; les dindes et les oies étaient à moitié. Le maître se réservait le droit de modifier les conditions ou de nous mettre à la porte chaque année, sous cette réserve que nous devions être prévenus au moins neuf mois d’avance. »

M. Parent se mit ensuite à parler du propriétaire, qu’il appelait « M. de la Buffère », ou, plus communément, « M. Frédéric », et pour lequel il semblait avoir un culte exagéré.

M. Frédéric ne veut pas que les métayers s’adressent directement à lui ; c’est toujours à moi que vous devrez dire ou demander ce que vous croirez né-