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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/170

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son aux moutons, préparé le déjeuner des cochons et passé voir les bœufs au pâturage. J’étais souvent debout une heure avant les domestiques et ça ne m’empêchait pas, au chantier, de payer de ma personne, d’aller aussi vite que possible. J’avais, bien entendu, la direction du travail ; les autres, échelonnés derrière moi, étaient forcés de régler leur allure sur la mienne, et je puis dire sans me vanter qu’ils n’avaient pas à s’amuser pour me suivre.

J’avais eu la chance pourtant de tomber sur un bon valet, un garçon de vingt ans passés, nommé Auguste : nous disions Guste ; il était robuste, courageux et besognait aussi dur que moi. Le second était un gamin d’une quinzaine d’années, mi-pâtre, mi-travailleur. J’engageais en plus un journalier pour l’été : ce fut, les premières années, un certain père Faure, un bonhomme déjà vieux qui avait de l’expérience et dont l’ouvrage était bon, mais qui était très bavard et un peu tason[1]. Il avait toujours des histoires à raconter et je crus m’apercevoir qu’en cherchant à nous intéresser ainsi, il poursuivait ce but de faire ralentir l’allure de la besogne, pour prendre un peu de bon temps. Un jour, d’accord avec le Guste, je résolus d’aller plus vite encore que de coutume, de façon à ce qu’il n’ait pas le loisir de parler. Quand nous eûmes ainsi fauché trois andains, le père Faure dut se dire qu’il était temps d’obtenir une trêve.

— Si nous allions de ce train-là jusqu’à midi, fit-il, nous en abatterions un sacré morceau.

— Si le maître veut, nous allons essayer, dit le Guste.

Le père Faure reprit :

— Une fois, à Buchepot, chez les Nicolas, nous avons

  1. Un peu mou, un peu lent.