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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/191

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crainte des débours à faire de suite et le désir d’augmenter les bénéfices futurs. Mais la crainte l’emportait et il ne faisait rien.

Or, le propriétaire vint un jour nous voir à la moisson et, comme il était bien luné, il me demanda si la récolte s’annonçait bonne.

— Ni bonne, ni mauvaise, monsieur Frédéric, répondis-je ; elle serait certainement bien meilleure si nous avions mis de la chaux.

— Ça donne de bons résultats, cette chaux ? me demanda-t-il d’un air indifférent, tout en faisant des moulinets avec sa canne autour de la tête d’un gros chardon.

— Oh ! oui, monsieur Frédéric. On rentre souvent dans ses frais dès la première récolte ; il y a ensuite plus-value considérable sur les récoltes d’avoine et de trèfle qui suivent le blé, et cela est bénéfice clair ; de plus, on dit que les terres s’en ressentent pendant quinze ou vingt ans.

Le propriétaire partit sans ajouter un mot ; il s’en alla chez Primaud, de Baluftière, chez Moulin, du Plat-Mizot et, successivement, dans tous les domaines ; il posa partout la même question et, s’étant convaincu de l’unanimité des avis, il donna immédiatement au régisseur l’ordre de nous satisfaire.

Trois jours après, M. Parent vint nous annoncer qu’il allait s’occuper de trouver des charretiers pour faire amener de la chaux dans nos guérets.

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C’était aussi par raison d’économie que Victoire était opposée à toute réforme dans les choses de son ressort. En raison du perfectionnement des petits moulins du pays, il était devenu possible de faire séparer le son d’avec la farine. Beaucoup commençaient d’user de cette amélioration, et il y en avait même qui