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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/209

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cuisinière, que Mme Lavallée avait été très mécontente de l’affront fait à sa fille par mon gamin. Pour un peu, elle eût exigé notre départ que la bonne petite demandait à hauts cris. Mais le mari avait refusé de prendre au tragique cette querelle d’enfants.

L’année d’après, Charles, touchant à ses treize ans, commençait à s’occuper régulièrement : ce me fut un prétexte pour dire aux petits bourgeois qu’il n’avait plus le temps de jouer avec eux, et je pus éviter le recommencement de la camaraderie tyrannique dont ils auraient continué à l’honorer sans nul doute.


XXXV


Ma mère se faisait très vieille et n’était pas heureuse. Elle habitait toujours au bourg de Saint-Menoux la même chaumière et, bien qu’elle fût toute courbée par l’âge, elle continuait d’aller en journée quand son état de santé le lui permettait. Mais, depuis plusieurs années, elle souffrait les hivers d’un rhumatisme qui la tenaillait tantôt à la tête, tantôt à l’estomac, et, dans ces moments-là, elle ne pouvait guère quitter son foyer.

J’allais la voir tous les ans aux environs de Noël, quand nous avions tué le cochon, et je lui portais pour ses étrennes un panier de lard frais avec un peu de boudin. En 1863, quand je lui fis ma visite habituelle, je la trouvai couchée et cela me fit froid au cœur en arrivant de voir l’expression navrée de sa figure vieillie. Le rhumatisme, devenu aigu, la tenait clouée au lit depuis six semaines, et personne ne s’occupait de la soigner, sinon une autre vieille journalière du voisinage qui lui