Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/252

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fait trop beau à l’automne et que le gel ne vient pas pour tuer les insectes qui font du mal aux blés naissants ; mais voilà qu’il survient en mai, pour détériorer nos jeunes plantes et détruire les bourgeons de nos vignes. À toutes les époques de l’année, pour une raison ou pour une autre, on a des motifs de se lamenter au sujet de la température défavorable à nos travaux, à nos récoltes.

Mais les récoltes ne sont pas tout : nous avons des animaux. Nous faisons de l’élevage ; sept vaches chaque année nous donnent des veaux. Dès qu’approche pour chacune l’époque du vêlage, il faut la veiller, se lever plusieurs fois chaque nuit pour l’aller voir, de façon à pouvoir aider la nature le moment venu, et prendre soin ensuite de la mère et du nouveau-né : ce sont nécessités du métier. Voici que les jeunes veaux sont pris de diarrhée, maigrissent et crèvent. Voici qu’une affection pulmonaire s’abat sur nos moutons, détruisant la moitié du troupeau, obligeant à vendre le reste à bas prix. Voici que les cochons toussent, ont l’arrière-train raidi, ne mangent plus : il faut les traiter, couper à grand’peine les pustules empoisonnées qu’ils ont sur la langue, et malgré tout il en crève. Survient une épidémie de fièvre aphteuse : tous les animaux sont malades ou boiteux pendant des semaines ; les bœufs de travail sont impropres à tout service ; le lait des vaches est inutilisable.

On a des bêtes à vendre ; on tombe sur une mauvaise foire ; il faut les céder pour bien moins qu’elles ne valent. D’autres fois, on se fait rouler par des marchands trop malins. Achète-t-on, au contraire : on paie cher des bêtes qui se trouvent avoir des défauts.

De suite après le battage, on vend à bas prix le peu de grains que l’on a en trop, parce que le grenier, trop