Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/254

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fins et trop chers pour nous. Cela fleure joliment bon le dimanche quand on passe devant les pâtisseries ; mais les friandises qu’elles contiennent, — brioches parfumées, pâtés succulents, tartes qui font venir l’eau à la bouche, — ne font jamais mal aux dents du pauvre monde des campagnes.

Il y a des choses dont nous devrions profiter pourtant : les produits de la basse-cour et de la laiterie, par exemple. Mais bah ! à nous la peine, aux autres la jouissance ! On ne consomme de ces denrées qu’une infime partie ; on porte quasi tout aux gens des villes et on leur porte de même ce qu’on a de mieux en légumes et en fruits. Il faut bien qu’on leur attrape un peu d’argent, car ils nous vendent cher ce que nous sommes forcés de leur demander : leurs étoffes, leurs sabots, leurs coiffures, leur épicerie, leur mercerie. Le médecin, parce que nous sommes loin des centres, nous compte cher ses visites ; le pharmacien nous vend cher ses remèdes ; le curé nous vend cher ses prières ; et le notaire, quand nous avons besoin de lui, nous rabote une pièce de vingt francs à propos de rien. Tous ces gens-là, mon Dieu, c’est peut-être leur droit ; ils ont besoin de gagner de l’argent pour vivre mieux que nous, pour se procurer les douceurs qui nous manquent car, pour rien au monde, ils ne voudraient consentir à partager notre médiocrité. Et si le percepteur nous demande aussi des impôts toujours plus lourds, c’est que le gouvernement veut donner à ses fonctionnaires les moyens de vivre de façon honorable, et non de la vie mercenaire des producteurs.

Comme complément, nous avons affaire à des maîtres qui nous exploitent, à des voleurs comme Fauconnet, à des imbéciles comme Parent, à des roublards comme Sébert, à des canailles comme Lavallée.