Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/281

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Georges venait nous rejoindre dans les champs ; il nous accompagnait un moment à la charrue, mais il en avait vite assez ; alors il s’en allait au bord des mares pour pêcher des grenouilles. Le jeune homme ne partait pas de la maison sans mettre un baiser au front de sa femme en lui disant au revoir. Au retour, il l’embrassait encore ; elle, câline, lui demandait :

— T’es-tu promené beaucoup ? Et ta pêche ? Voyons si tu as eu de la réussite, mon Geogeo.

Elle lui ôtait des mains le petit sac en filet dans lequel il apportait toujours quelques grenouilles. Personne ne sachant les préparer, le neveu était obligé de s’en occuper lui-même.

Rosalie disait :

— Je ne sais pas comment on peut manger de la saleté pareille ; c’est race de crapauds !

Les appréciations de Rosalie, ses mots dépourvus d’hypocrisie, amusaient beaucoup Georges et Berthe. Mais ils s’attristaient soudain quand la Marinette, les regardant fixement de ses grands yeux de bête, tendait dans leur direction son poing maigre et riait de son rire stupide, ou bien quand elle faisait entendre sa mélopée sans fin, lancinante et plaintive.

Le dimanche, Charles loua le cheval et la voiture à ressorts de l’épicier du bourg et conduisit à Bourbon les Parisiens. Ils voulurent visiter les tours du vieux château, mais, s’étant fatigués énormément à grimper jusqu’au sommet de chacune, ils regrettèrent leur fantaisie et déclarèrent n’avoir vu, en fait de choses intéressantes, que des pierres entassées. La fontaine d’eau chaude les amusa davantage, et aussi les travaux du nouvel établissement thermal. Ils firent ensuite une halte à la terrasse d’un café donnant sur la grande rue d’où ils virent le défilé des malades : soldats de toutes armes, hommes et femmes de toutes conditions,