Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/294

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Le père Gorgeon avait été braconnier, et ses récits de chasse étaient plus extraordinaires encore.

« Un jour d’hiver, ayant tiré en enhurnant des étourneaux sur un alisier, il en avait tellement tué qu’il avait été obligé de les venir chercher à pleins sacs. Pendant toute une semaine, des oiseaux morts étaient tombés de l’arbre.

« Une autre fois, passant sur le bord d’un étang, il aperçut des canards sauvages qui s’ébattaient tranquillement à la surface de l’eau calme. Il eut l’idée, — n’ayant pas de fusil, — de leur lancer un bouchon attaché à une longue ficelle, dont il retint l’autre extrémité. Les canards sont voraces et digèrent vite : l’un se précipita sur le bouchon qu’il avala et relâcha par derrière cinq minutes après ; un autre aussitôt l’engloutit à son tour et ainsi, de bec en bec, le bouchon passa par le corps de vingt-quatre canards qui, à cause de la ficelle, se trouvèrent empalés. Le père Gorgeon n’eut qu’à les tirer hors de l’eau et à les emporter. »

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Cependant Francis ne tarda guère de connaître aussi bien que moi ma collection de contes, de devinettes et d’histoires drôles et je ne fus plus à même de l’intéresser. Lui, alors, se mit à me raconter les choses qu’on lui enseignait à l’école. Il me parlait des rois et des reines, de Jeanne D’Arc, de Bayard et de Richelieu, de croisades, de guerres et de massacres. Il avait l’air de savoir tout ce qui s’était passé au long des siècles morts. Je ne prêtais, bien entendu, qu’une attention distraite à toutes ces choses ; et quand, après, il me demandait en quelle année avait eu lieu telle bataille, à quelle époque avait régné tel roi, et quels avaient été les exploits de tel grand homme, je disais de grosses bêtises, confondant des choses qui s’étaient passées à mille ans d’intervalle, ce qui le faisait beaucoup rire. Pour la géographie,