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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/36

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Ayant été battu pour venir quand il ne fallait pas et battu pour ne pas venir quand il fallait, on comprendra combien ensuite les ciels d’orage me rendaient perplexe, combien ils me semblaient gros de menaces.


IV


Quand je songe que je n’avais pas encore sept ans quand m’arrivaient ces aventures, quand je compare mon enfance à celle des petits d’aujourd’hui qu’on dorlote et qu’on choie, et qu’on n’oblige à aucun travail manuel avant douze ou treize ans, je ne puis m’empêcher de dire qu’ils ont joliment de la chance. En ai-je fait, moi, des séances de plein air pendant qu’eux font leurs séances d’école ! Je restai berger pendant deux ans, ce qui me permit d’esquiver, jusqu’à huit ans et demi, les très mauvais jours : car on n’envoie pas les brebis dehors quand il pleut ou neige. Mais alors on me confia les cochons et c’en fut fini des journées de repos. Qu’il pleuve ou vente, que le soleil darde ou que la bise cingle, par la neige ou par le gel, il me fallait aller aux champs. Oh ! ces terribles factions d’hiver, alors que l’on est enduit de boue tout au long des jambes, que l’on a les pieds mouillés et que le froid étreint, quoi qu’on fasse, en une progression méchante ! On ne peut pas s’asseoir ; les haies dépouillées ne donnent plus d’abri ; les doigts gourds et crevassés font mal ; un tremblement convulsif agite le corps : oh ! qu’on est malheureux !

Il y avait toujours deux truies mères qu’on appelait