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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/43

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non-vendus, ce qui ne fut point chose commode. Après que les vendus furent livrés et soldés, — en pièces d’or que mon père fit sonner une à une sur la chaussée humide, — nous repartîmes au travers de la ville avec les trois rebuts. J’eus une désillusion au cours de ce trajet : les maisons ne me semblèrent plus aussi belles ; seuls quelques étalages de magasins me charmèrent. Il faut dire que nous ne suivîmes presque pas la grande rue ; nous prîmes à côté de la rivière de Burge, une rue montueuse et grossièrement pavée qui débouchait dans le haut quartier, sur la place de l’église : c’est de là que partait le chemin de Meillers.

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Sur cette place de l’église, au carrefour de la route d’Autry, mon père me laissa seul. Il voulait, selon l’usage, aller remettre sans plus tarder à M. Fauconnet l’argent de la livraison. J’étais bien un peu inquiet de le voir partir ; mais il m’avait promis de n’être pas longtemps et de me rapporter du pain blanc et du chocolat pour faire mon goûter ; de plus, il voulait demander à M. Vernier, un fermier de Meillers qu’il connaissait, et qu’il comptait rencontrer chez M. Fauconnet, de me ramener en croupe sur son cheval. Ces promesses me faisaient oublier l’appréhension que j’avais de rester seul.

Je jetai aux trois gorets le peu de grain qui restait au fond du sachet de toile. Mais, en dépit de cela, ils ne tardèrent pas à me causer du désagrément. L’un se sauva dans le chemin de Meillers qu’il reconnaissait sans nul doute, tandis qu’un autre redescendait en courant vers la ville. Fort à propos, un homme qui s’en retournait de la foire m’aida à les rassembler. Ils furent tranquilles un moment, pas longtemps. Bientôt ils se remirent à courir de côté et d’autre en grognant, et j’eus bien de la peine à ne pas les échapper. Aux