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Page:Guimet - Promenades japonaises, 1880.djvu/154

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table et répétait sans cesse les poésies qu’avait chantées le beau Korétoki.

Ou bien elle s’étendait sur la natte de la chambre et, la tête appuyée sur les genoux de Matsoué, sa suivante préférée, elle réfléchissait profondément. Puis, détournant la tête comme si elle voulait dormir, elle fermait les yeux. Mais à travers ses cils filtraient de grosses larmes qui tombaient larges et chaudes sur le fin kimono de Matsoué.

Une fois la suivante n’y tenant plus supplia sa maîtresse de soulager son cœur et de lui faire la confidence de son chagrin.

— Mademoiselle, dites-le moi. Vous aimez quelqu’un ?

— Oui, répondit faiblement Mmégaé en fermant toujours les yeux.

— Vous aimez Korétoki !

Mmégaé cacha son visage avec sa large manche et sanglota. Quand elle put parler :

— Oh ! dit-elle, n’élevez pas ainsi la voix. Si l’on nous entendait ! Et, regardant Matsoué dans les yeux, elle ajouta à voix basse :

— Oui, j’aime Korétoki, oui, je l’aime de toutes mes forces et je ne puis m’empêcher de penser toujours à lui. Mais, ma chère Matsoué, maintenant que je vous ai ouvert mon cœur, c’est à votre tour de me faire des confidences.

Et ses yeux, encore mouillés de larmes, prirent une gracieuse expression de malice.

— Que me demandez-vous, mademoiselle ? à moi qui jamais…

— Pensez-vous donc que je ne connaisse pas votre secret ? Ah ! Matsoué, vous voulez me cacher vos sentiments ? Eh bien, j’ai quelque chose à vous montrer. Voici un joli petit billet doux que vous adresse Obana. Qu’avez-vous à répondre à cela ?

— Comment, reprit vivement Matsoué la rougeur au visage, comment cette lettre est-elle tombée entre vos mains ?

— Ne vous effrayez pas, ma gentille amie, je l’ai ramassée hier