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Page:Guimet - Promenades japonaises, 1880.djvu/321

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promenades japonaises.

Tadanaga était devenu fou, presque furieux. Ses cruautés incessantes n’avaient pas empêché un certain nombre de partisans de suivre sa fortune, et ces fidèles, apprenant que Yémitsou devait passer près d’eux, organisèrent un complot contre la vie du Shiogoun.

Un jeune charpentier, nommé Rokou-Sabouro, avait été chargé de construire la chambre à coucher du grand ministre. Les partisans de Tadanaga vinrent trouver le jeune ouvrier et lui promirent une forte somme d’argent s’il voulait faire un plafond lourd et mobile qui, au moyen d’une goupille, pût subitement tomber et écraser le Shiogoun. Ils ajoutèrent que si Rokou-Sabouro refusait, ils le tueraient immédiatement.

Ce dernier argument eut d’autant plus de force aux yeux du jeune ouvrier, qu’il aimait passionnément Ossono, la fille de Tchionémon, l’officier même qui était chargé de l’installation du pavillon de repos.

Mourir quand on aime et que l’on est aimé, cela est fort pénible. Recevoir une forte dot au moment de se marier, c’est, au contraire très agréable.

Rokou-Sabouro promit donc aux conjurés de construire le plafond machiné.

Et, comme les amoureux sont généralement bavards, il alla au plus vite conter toute l’affaire à sa bien-aimée.

Le père de la jeune fille se trouvait justement dans la chambre voisine. À travers la muraille de papier, il entendit tout et resta consterné des horreurs qui se préparaient.

Sans faire aucun reproche à son futur gendre et à sa fille, il donna l’ordre à ses serviteurs de leur attacher les mains avec des cordelettes et de les surveiller.

Puis, il alla avertir le Shiogoun qui faisait en toute tranquillité son entrée dans la ville.