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promenades japonaises.

l’envoyé du Mikado qui venait tous les ans à Yeddo apporter les ordres du souverain.

Il était d’usage que l’ambassadeur impérial fût reçu au palais et servi par les jeunes seigneurs de la cour, et cela, suivant des rites fort compliqués. Aussi le vieux Kira, le maître des cérémonies, était fort occupé à dresser ses élèves afin qu’aucune faute ne fût commise.

Les Japonais ont emprunté aux Chinois ce goût exagéré pour la politesse et ce culte du cérémonial ; ils ont même dépassé leurs inspirateurs, car, pour eux, le caractère divin du Mikado ajoutait quelque chose de sacré à ces formules et le fait de bien recevoir un délégué du souverain était un acte religieux.

Kira attachait d’autant plus d’importance à l’étude de ces rites que d’ordinaire les jeunes seigneurs savaient reconnaître ses bons conseils par des présents généralement faits en monnaie bien sonnante.

Si bien que Kira, par amour pour la bonne exécution des cérémonies, était devenu intéressé, avare même, et, quand il lui arrivait de se fâcher contre ses nobles disciples, on ne savait trop si c’était par horreur du sacrilège ou par sympathie pour les cadeaux.

Or un jeune daïmio nouvellement débarqué à la cour fut désigné pour prendre part au service de l’ambassadeur ; mais, mal renseigné sur les usages, il négligea de faciliter son éducation par la remise du présent obligatoire.

Kira ne fut pas content. Il tâcha de faire comprendre au malappris qu’il n’entendait rien à son rôle. Il le gronda, le molesta à chaque instant, le tourna en ridicule. Mais le pauvre Assano, — c’était le nom du jeune homme, — mit tout sur le compte de son inexpérience.

Enfin, le grand jour arrivait et l’argent ne venait pas. Kira voulut frapper un grand coup qui pût ouvrir les yeux de son élève ou tout au moins servir d’exemple aux récalcitrants de l’avenir.