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à Ouéno, et se ruinaient en pâtisseries. Quelques-uns arrivaient couverts d’habits somptueux, d’autres s’enfarinaient comme des femmes et mettaient du rouge, de plus adroits faisaient les beaux esprits ; mais les uns et les autres n’obtenaient d’autres faveurs que de recevoir des mains de la belle un élégant paquet de gâteaux qu’ils emportaient en chantant.


Je n’ai pas respiré l’odeur
De la fleur du prunier,
Mais j’ai vu la fleur.


Peu à peu la jeune fille devint morose et attristée au milieu de toutes les joies qu’elle faisait naître. Au lieu de répondre avec enjouement aux joyeux propos de ses adorateurs, elle se renferma dans la mélancolie et le silence. Elle recherchait la solitude et fuyait même ses parents. Elle s’accroupissait dans quelque coin sombre et y restait pensive des heures entières.

Les maisons japonaises ont dans la partie la plus reculée un salon de réception où d’ordinaire les habitants ne se tiennent pas, et que l’on réserve pour les visiteurs ou les étrangers.

La maisonnette de Ouéno avait une petite chambre pour cet usage, et c’était presque toujours là qu’on trouvait la jeune pâtissière en quête de solitude. Les yeux attachés sur les fleurs de l’étang, elle paraissait abîmée en une secrète contemplation.

Ses parents étaient fort contrariés de cette tendance d’esprit, et ils pensèrent que la tristesse de leur fille venait de quelque chagrin d’amour. Il était impossible que, parmi les beaux et gais jeunes gens qui venaient assidûment faire emplette de gâteaux, il ne s’en fût pas trouvé un qui eût fait battre le cœur de la jeune fille.

Mais ils pensèrent que, sans doute, son choix s’était porté sur quelque garçon indigne ou sur quelque fils de grande famille, et que la tristesse