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Page:Guinault - Le numéro treize (1880).pdf/96

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LE NUMÉRO TREIZE

— Trop tard à présent ! je suis trop vieux ! j’ai la tête trop dure !

— À vingt ans ! tu me fais rire, vois-tu ! C’est le bon moment au contraire, on n’apprend jamais mieux que quand on sent la nécessité de savoir, et que finalement on le veut.

— C’est un fier malheur pour moi que de tomber à la milice, vous avez beau dire… Et la mère. La voilà bien lotie avec sa fontaine !

— Qu’est-ce que tu dis ? Quelle fontaine ?

— Bon ! je ne sais plus tenir ma langue à présent ! Vous allez vous gausser de moi, parrain, mais puisque j’ai lâché le mot, voilà la chose. J’ai bu une fiole d’eau de la fontaine du Nain… et tenez, voilà les herbes… cueillies avant le chant du coq…

— Pour…

— Pour me porter bonheur.

— Et tu as pris le numéro treize. C’est réussi, l’ami, sais-tu ? Tu ne pouvais mieux tomber par la raison qu’il a plus de réputation que d’aucuns. C’est ta mère… Hélas ! pauvre femme ! Et toi, tu as pu croire. Tiens ! je vais te parler franchement : j’aurai, certes, beaucoup de peine à te quitter parce qu’il n’en existe pas un dans le pays ayant du raisonnement comme toi ; et aussi, parce que je t’ai quasi élevé, mais, au fond, j’en suis content ! D’abord, ceux d’ici apprendront ce que valent leurs âneries, puis cela t’ouvrira l’entendement à toi : les voyages forment la jeunesse. Avant deux ans, tu m’en diras des nouvelles. Que diable ! rester là comme un hibou dans son