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le paradis perdu

ils s’y donnent tout entiers aux morts, au lieu que, dans leurs palais célestes du soleil et de la lune, ils s’occupent surtout des vivants : Atta pour les faire mourir, Jouskeha pour les protéger.

Ce pays des ancêtres est situé très loin vers l’ouest. C’est là néanmoins que les pauvres mânes, nonobstant l’énorme distance, doivent tâcher de se rendre.

Dès que les chairs des défunts ont fini de se consumer, leurs âmes se mettent en voyage. Celles des enfants et celles des vieillards, généralement trop faibles, restent seules, errantes, dans le voisinage de leurs sépultures. Toutes les autres, chargées des présents dont leurs parents ont garni leurs tombeaux, doivent partir, et leur voyage peut durer des mois et même des années.

Légères, inconsistantes, mais lestées par leurs fardeaux, elles peuvent, dans une certaine mesure, affronter les vents. Hélas ! cette stabilité ne laisse pas d’être onéreuse, de creuser les coups de pointe des branches sèches et les écorchures que leur font aux pieds les aspérités du sol. Ajouter à cela la traversée de déserts balayés par les aquilons, celle d’immenses lacs sur des écorces flottantes, de torrents et de rivières sur de fines branches à peine capables de soutenir le pas léger d’un écureuil, c’est oublier encore une foule de misères imprévues.

Le croirait-on ? c’est au moment de saisir l’éternel bonheur qu’elles courent leur plus grand danger.