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chémanitou et machinitou

Voyez-le fabriquer l’un de ces quadrupèdes géants des anciens âges, dont les hommes, après des millénaires, trouveront encore les os conservés, dans les éboulis, au bord des rivières.

Il place d’abord quatre morceaux de glaise à des distances calculées, pour en faire les pieds de l’animal. De ces pieds énormes, l’île sera plus tard toute semée, car le Grand-Esprit abandonne souvent l’œuvre commencée. Ils deviendront des tertres herbeux, des îlots verdoyants, que les hommes admireront sans en deviner l’origine.

Toujours avec de l’argile bien pétrie, Chémanitou continue, en montant, la construction : après les pieds, les jambes, la croupe et les épaules ; puis l’échine et les flancs. Il finit par la queue et les oreilles.

Se met-il à l’ouvrage, tous les esprits de l’air et des eaux accourent et le regardent travailler. Ces manitous inférieurs épient surtout le moment où le Maître donnera la vie à sa créature : ils vont s’amuser de la gaucherie des premiers pas qu’elle va faire, voir une destinée nouvelle s’ébaucher dans son allure et ses instincts.

Avant d’être animée, la statue d’argile doit sécher au soleil, durcir et prendre la couleur des roches voisines. Alors le Maître de la vie lui ouvre le côté, y entre et y demeure plusieurs jours enfermé.

À peine en est-il sorti, que l’animal frémit… Bientôt il se balance, branle la tête, frappe le sol de ses