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Page:Guindon - En Mocassins, 1920.djvu/211

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en mocassins

Dans les herbes qui poussent follement près de l’étang, Lilino est disparue, et sa mère, anxieuse, encore cachée sous les ifs, l’attend… Une légère buée voile les arbres et rend leur éloignement plus mystérieux, les échos plus sonores et le soleil plus doux. La faible note des sitelles tombe de la verdure aérienne, et le rivage envoie, de loin, le doux sifflement de ses maubèches. Tout semble devoir passionner l’incorrigible rêveuse… Parée de fleurs sauvages, elle revient s’assoir sous l’énorme pin à l’ombre duquel elle a si souvent invoqué les esprits.

La mère anxieuse, les yeux fixés sur sa fille et l’oreille attentive, retient sa respiration dans la crainte de perdre quelque chose de ce qui va se passer.

Lilino, adossée au tronc rugueux et la tête un peu renversée, remue doucement les lèvres.

Quelques instants s’écoulent ainsi ; puis une brise souffle du lac et les feuilles aciculaires du vieux pin, toutes frémissantes, se mettent à chanter comme les cordes d’une harpe éolienne.

Les sons, inarticulés d’abord, se font de plus en plus distincts et se changent tout à coup en une voix harmonieuse qui parle ainsi à la jeune fille.

Entends la voix de Plume-Verte,
Le pensif manitou des pins :
Je hante la grotte déserte
Et ce bois de silence plein.