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Page:Guindon - En Mocassins, 1920.djvu/231

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cogomis

lièvres et de lagopèdes, avec toutefois bien des chances d’en manquer.

Ils sont peu joyeux ces jours d’indigence pour la pauvre infirme qui jeûne et entend ses fils tenir, à voix basse, des propos qui lui percent le cœur.

Dans les endroits plus giboyeux, on dresse pour quelques temps la cabane sous les arbres, au bord d’un lac ou d’une eau courante. Tant que dure l’abondance, on y reste ; les fils chassent la plus grande partie du jour et la mère tâche à ne pas geler en alimentant le feu non sans s’y brûler un peu les doigts. Souvent le bois lui manque et le foyer s’éteint. Alors, sous la poussée du vent, la neige entre en fine poudre par les fentes, blanchit tout, et l’octogénaire grelotte quelquefois pendant de longues heures.

Mais une telle souffrance est légère comparée à celle de son cœur maternel blessé dans sa partie la plus sensible… Au reste n’y a-t-il pas une espèce de poésie de la misère, qui berce encore les infortunés capables d’endurer leurs maux ? Est-ce que, même en tremblant de froid, la pauvre vieille ne continue pas quelque ancien rêve, indéfini comme les avenues de la forêt ; quelque rêve toujours déçu et renaissant, à moitié disparu sous la poussière des ans et revivant à moitié dans une végétation de souvenir ?

Oh ! les souvenirs doux ou non, c’est un peu ce