Page:Guindon - En Mocassins, 1920.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
228
en mocassins

rets, paquets de castor, ustensiles primitifs, jetés là au hasard, dans une halte, après un portage.

En fumant, ils entendent le long de la chute, sous l’épaisseur verte des pins, des craquements de branches mortes et la voix cassée, geignante de leur mère. Entre les racines saillantes des arbres, elle monte, la pauvre vieille dont la face brune disparaît à demi sous ses cheveux blancs en désordre. Awatanit la soutient et quelquefois la hisse par les mains. Mais elle glisse sur la terre baveuse, si inclinée ! elle trébuche, tombe. Patiemment, Awatanit la relève, lui montre où mettre les pieds. Peu à peu ils montent ensemble, se reposent et prennent leur temps. Le plus jeune des frères se venge ainsi de ses deux aînés qui lui laissent tout le fardeau afin de le décourager. Il retarde la marche. Qu’ils l’aident ou se résignent à faire aujourd’hui moins de chemin.

Il y a dépit de part et d’autre. S’il glisse et tombe avec sa mère, il voit, en haut de la côte, de longues dents jaunes s’encadrer d’un rire ironique, et des yeux louches étinceler, clignoter à le faire frémir de rage ; mais il se contient et se garde de paraître irrité, de peur qu’on ne rie encore plus.

Les voici montés. La vieille mère, épuisée, le menton sur la poitrine, repose appuyée sur un ballot de castor.

Ses trois fils se passent le calumet, et par fierté, le plus jeune est calme.