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Page:Guindon - En Mocassins, 1920.djvu/84

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les algonquins

mains… puis, regardant son fils adoptif : « As-tu ton père ? » dit-il.

— « Il vivait quand je quittai ma patrie. »

— « Oh ! qu’il est malheureux !… Moi aussi, j’ai été père… Je ne le suis plus !… J’ai vu mon fils tomber, couvert de blessures, auprès de moi, dans un combat… Il est mort en homme. Oh ! je l’ai vengé, vengé ! »

Alors, le sauvage, les yeux égarés par la douleur, se tourne vers l’orient : « Vois-tu, dit-il, ce beau ciel ? As-tu du plaisir à le regarder ? »

— « Oui. »

— « Eh bien, je n’en ai plus, moi ! »

Puis, levant la main vers un manglier en fleurs : « Vois-tu ce bel arbre ? Te réjouit-il ? »

— « Oui. »

— « Il n’a plus de charme pour moi !… Pars, va dans ton pays, afin que ton père ait encore du plaisir à voir le soleil se lever et le printemps sourire. »[1]

Concluons que la culture seule manque à l’Algonquin, culture de la raison surtout, car sa sensibilité et son imagination ne laissent rien à désirer. Conteur émérite, habile à donner du corps aux idées, cet enfant bien doué peut, les circonstances aidant, aspirer à l’art oratoire. On ne sera donc pas surpris d’apprendre que les Illinois dont les missionnai-

  1. Trait emprunté aux « Saganos Illustrés » de Bibaud, p 192-193.