Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/119

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lieu a été désunie à leur occasion. Elles ont répondu qu’elles l’avaient fait pour échapper au danger de la faim, de la nudité, et par-dessus cela, des mauvais traitemens. Elles ont ajouté que diverses personnes venaient, contre toute convenance, se laver dans leurs bains, que l’abbesse jouait aux dez[1] xxviii, que des séculiers venaient prendre leurs repas avec elle, et qu’on avait fait des fiançailles dans l’enceinte du monastère. Elles ont dit encore que l’abbesse avait eu la témérité de faire à sa nièce des robes d’une couverture d’autel en étoffe de soie, qu’elle avait de sa propre autorité pris un feuillage d’or qui entourait cette couverture d’autel, et l’avait criminellement mis au cou de sa nièce ; qu’elle avait fait à sa nièce, par un luxe superflu, une bandelette ornée d’or, pour jouer des scènes[2] xxix dans l’intérieur du couvent. L’abbesse, interrogée sur ce qu’elle avait à répondre à ceci, a dit qu’autant que l’a permis la pénurie des temps, elles n’ont jamais souffert une grande disette ; quant aux vêtemens, elle a dit que, si l’on voulait chercher dans leurs coffres, on leur en trouverait plus que la nécessité n’en fait besoin. Quant à l’accusation relative aux bains, elle a raconté que les bains avaient été construits dans le temps du carême, et qu’à cause de l’âcreté de la chaux, et pour que cette nouvelle bâtisse n’eût pas de dan-

  1. Ad tabulam ; on appelait tabula la petite table creuse où l’on jetait les dez, comme on dit encore, table de trictrac. Ces mots lurdere ad tabulam, tabalis, ad tabulas, reviennent fréquemment dans les écrivains de ce temps, et semblent quelquefois indiquer des jeux différens, mais dont une table creuse est toujours une pièce principale.
  2. Barbatorias celebrare ; mot qui vient de ce que, les acteurs de ces scènes mettaient des masques et des barbes ; c’est ainsi qu’on a dit depuis mascarade.