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CHRONIQUE

malheureusement laissés pour accomplir un si cruel dessein, et d’avoir égard à leur danger, car ils couraient risque de la mort s’ils ne l’enlevaient par force. Mais il leur dit qu’il avait déjà assez souvent répété que la violence seule pourrait le faire sortir. Les soldats, au milieu d’un double péril et en proie à plus d’une peur, saisirent le manteau dont le saint était enveloppé ; d’autres s’étant jetés à ses genoux le supplièrent, en pleurant, de leur pardonner un si grand crime, car ils obéissaient non à leur volonté, mais aux ordres du roi. L’homme de Dieu voyant qu’il pourrait y avoir du danger s’il n’écoutait que la fierté de son cœur, sortit en pleurant et se désolant, accompagné de gardes qui ne devaient pas le quitter avant de l’avoir mis hors de toutes les terres soumises au pouvoir du roi. Le chef de ces soldats était Ragamond, qui le conduisit jusqu’à Nantes. Ainsi chassé du royaume de Théodoric le saint se disposa à retourner une seconde fois en Irlande. Mais comme nul prêtre ne doit prendre une route ou une autre qu’avec la permission du Seigneur[1], saint Colomban alla en Italie, et construisit, dans un endroit nommé Bobbio, un monastère consacré à une sainte vie, et plein de jours, il monta vers le Christ.

La quinzième année du règne de Théodoric[2], l’Alsace où ce prince avait été élevé, et qu’il possédait par l’ordre de son père Childebert, fut ravagée , à la

  1. Ceci fait allusion à la tempête qui repoussa sur les côtes de Bretagne le vaisseau sur lequel saint Colomban s’etait embarque pour retourner en Irlande ; tempête qui fut regardée comme un signe de la volonté de Dieu.
  2. En 610.