Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/353

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notre âme par les vertus, et munissons en même temps la garde de cette ville, afin que l’ennemi ne trouve point d’entrée par où il puisse nous mettre en péril. » Animant ainsi tout ce peuple, il prescrivit un jeûne de trois jours, et parcourut l’enceinte des murs avec le signe de la Croix et les reliques des Saints ; il se prosternait contre terre à chaque porte, et priait avec larmes le Seigneur que, s’il l’appelait au martyre, il ne permît pas que le peuple qui lui était confié tombât en captivité ; et cela arriva comme il l’avait désiré. Le peuple des environs, par crainte des ennemis, se retira dans la ville, et on ferma l’issue des portes avec de fortes serrures, et on établit partout des gardes. L’homme de Dieu ordonna qu’on fit entrer tout le monde dans l’église, et leur demanda à tous leur indulgence, les priant de lui pardonner, si, en les reprenant, comme il avait coutume de le faire, pour l’observation de la sainte discipline, il avait blessé quelqu’un d’eux par ses paroles ; car cet homme de Dieu qui marchait au martyre, savait qu’il ne sert de rien si le cœur n’a pas été d’avance purifié de tout sentiment haineux, et échauffé du feu de la charité. Aussi n’y eut-il dans cette multitude aucune âme assez dure, quelque offensée qu’elle pût être, pour ne pas renoncer pieusement à toute malice.

Peu de temps après la ville fut entourée d’une armée, et le jour même les deux troupes combattirent avec vaillance jusqu’au soir. Mais lorsque la ville fut absolument cernée et pressée par les ennemis qui rôdaient jour et nuit en vociférant comme des chiens, l’homme de Dieu vit que le péril était imminent ; il arrêta le combat et parla ainsi à son peuple : « Cessez,