Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/249

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reaux ; et, comme il avait préparé des actes xi pour tourmenter ou rançonner dans les premiers jours de mars les citoyens de Poitiers, il rendit l’âme le lendemain ; et ainsi se calmèrent son orgueil et sa superbe.

En ce temps Félix xii, évêque de Nantes, m’écrivit des lettres pleines d’injures, me mandant aussi que mon frère avait été tué parce que, par convoitise de l’épiscopat, il avait fait périr l’évêque ; mais, tandis qu’il écrivait ces choses, lui-même convoitait un domaine de mon église, et, comme je ne voulus pas le lui donner, plein de fureur il vomit, comme je l’ai dit, mille injures contre moi. Je lui répondis enfin un jour : « Rappelez-vous ce que dit le prophète [Isaïe, 5, 8] : Malheur à vous qui joignez maisons à maisons, et qui ajoutez terres à terres, jusqu’à ce qu’enfin le bien vous manque. Serez-vous donc les seuls qui habiterez sur la terre[1] ? Oh ! si tu étais évêque de Marseille, les vaisseaux n’y apporteraient jamais ni huile, ni aucune autre épice, mais seulement du papier, pour te donner plus de moyens de diffamer les gens de bien par tes écritures[2] xiii ; mais la disette de papier a mis un terme à ta loquacité. » Il était d’un orgueil et d’une cupidité infinie ; mais, pour ne pas lui ressembler, je passerai sur ces choses, et expliquerai de quelle manière mon frère avait quitté la lumière du jour, et avec quelle promptitude la vengeance de Dieu atteignit ceux qui l’avaient frappé. Le bienheureux Tétrique xiv [Tetricus], évêque de la cathédrale

  1. Isaïe, chap. 5, v. 8.
  2. C’était à Marseille que les marchands apportaient d’ordinaire le papyrus d’Égypte dont on se semait alors pour écrire.