Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/272

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rens mets. Le roi, me voyant, dit : « Ô évêque, tu dois dispenser la justice à tous, et voilà que je ne puis obtenir de toi la justice ; mais, je le vois, tu consens à l’iniquité, et en toi s’accomplit le proverbe : le corbeau n’arrache point les yeux du corbeau. » Je lui dis : « Si quelqu’un de nous, ô roi, voulait s’écarter des sentiers de la justice, il peut être corrigé par toi ; mais si tu y manques, qui te reprendra ? Car nous te parlons, et tu ne nous écoutes que si tu veux ; et si tu ne le veux pas, qui te condamnera, si ce n’est celui qui a déclaré être lui-même la justice ? » Alors, irrité contre moi par les flatteurs, il me dit : « J’ai trouvé la justice avec tous, et ne puis la trouver avec toi ; mais je sais ce que je ferai, afin que tu sois noté parmi les peuples, et reconnu de tous pour un homme injuste. J’assemblerai le peuple de Tours, et je lui dirai : Élevez la voix contre Grégoire, et criez qu’il est injuste et n’accorde la justice à personne ; et je répondrai à ceux qui crieront ainsi : Moi qui suis roi, je ne puis obtenir de lui la justice ; comment vous autres plus petits l’obtiendriez-vous ? » Je lui dis : « Tu ne sais pas si je suis injuste. Celui à qui se manifestent les secrets des cœurs connaît ma conscience ; et, quant à ces faussetés que proférera contre moi, dans ses clameurs, le peuple que tu auras poussé par tes insultes, elles ne seront rien du tout, car chacun saura qu’elles viennent de toi ; ce n’est donc pas moi, mais toi plutôt, qui seras noté par tes cris. Tu as les lois et les canons ; il te faut les consulter avec soin, et si tu n’observes pas ce qu’ils t’apprendront, sache que tu es menacé